La double matérialité est la grande nouveauté des rapports de durabilité. Concept fondateur introduit dans la CSRD, elle étend la matérialité simple jusque là utilisée pour prioriser les sujets RSE. Même si l’objectif reste le même - faire le tri parmi tous les sujets de l’ESG, la réalisation attendue pour l’analyse de double matérialité est très différente.
Cet exercice est désormais obligatoire pour toutes les entreprises européennes soumises à la CSRD, et ses résultats doivent apparaître explicitements dans les rapports de durabilité, en première section. Il présente un fort enjeux pour les entreprises, car s’il est mal réalisé il est possible de passer à côté de sujets de durabilité et de ne pas publier certaines informations dans son rapport, pourtant importantes pour les lecteurs.
Qu’est-ce que le principe de double matérialité ?
Le principe de double matérialité est une extension du concept de matérialité simple, s’appuyant sur la matérialité d’impact et la matérialité financière.
La matérialité d’impact
La matérialité d’impact est la prise en compte de la façon dont l’entreprise impacte son écosystème (environnement et personnes), de manière positive ou négative.
Pour identifier les enjeux matériels du point de vue de l’impact, il faut se demander quels sont les impacts, positifs ou négatifs, actuels ou potentiels, de son activité sur l’extérieur.
Prenons l’exemple du changement climatique. On pourrait se demander si son entreprise a un impact positif ou négatif sur le changement climatique. La réponse est quasiment systématiquement oui : avec son activité, une entreprise émet des gaz à effet de serre qui augmentent le changement climatique - c’est un impact négatif actuel. On pourrait aussi se dire que son entreprise souhaite utiliser un système de compensation carbone pour stocker des GES dans le futur - c’est un impact positif potentiel sur le changement climatique.
La matérialité financière
Le principe de matérialité financière est l’identification des éléments de l’écosystème de l’entreprise qui génèrent des risques ou des opportunités pour la performance financière de l’entreprise.
Pour identifier les enjeux matériels du point de vue du financier, il faut se demander quels sont les sujets auxquels le business de l’entreprise est sensible ou dépendant, et qui peuvent donc générer des risques ou des opportunités pour l’activité.
Reprenons l’exemple du changement climatique. On pourrait se demander si le changement climatique génère un risque pour son entreprise. La réponse dépend des typologies d’entreprises : si son activité dépend de ressources naturelles, il est possible que les événements météorologiques extrêmes générés par le changement climatique diminuent l’accessibilité des ressources et donc génère un risque pour la production. De même, si l’activité est réalisée en extérieur, il est possible que les épisodes de canicules ou sécheresses à répétition empêchent les salariés de travailler. Toutes ces configurations correspondent à des risques pour le business.
Quels enjeux sont matériels ?
Dans la double matérialité, les enjeux considérés comme matériels sont ceux qui sont matériels d’un point de vue d’impact, ou d’un point de vue du financier, ou les deux.
Lors de votre analyse de double matérialité, il est donc nécessaire de bien considérer ces deux aspects et réaliser une cotation à la fois des impacts, des risques et des opportunités - les fameux IROs.
Au final, votre rapport de durabilité devra contenir les informations des ESRS associés aux résultats de votre analyse de double matérialité. Pour en savoir plus
Quelle différence entre matérialité et double matérialité ?
Les deux exercice, matrice de matérialité et analyse de double matérialité, ont le même objecif : faire le tri de ses priorités dans un sujet aussi vaste et multicritère que l’ESG. Pour réaliser cette priorisation, les deux exercices proposent des approches très différentes.
La matérialité simple propose une approche “interne/externe” : vous demandez à vos parties prenantes internes (direction, salariés…) de prioriser les enjeux les uns par rapports aux autres en fonction du niveau d’importance qu’elles jugent pertinent pour l’entreprise. Vous posez ensuite la même question à vos parties prenantes externes (clients, investisseurs, fournisseurs…), et vous placez les résultats dans une matrice de matérialité. Cette matrice utilise un axe Priorisation interne et un axe Priorisation externe, et identifie dans le carré supérieur droit les enjeux importants des deux point de vue : ce sont les enjeux matériels.
Cet exercice repose sur une appréciation subjective des enjeux pour chaque partie prenante. Il permet aussi d’identifier des sujets très important pour vos parties prenantes externes desquels vous auriez pu passer à côté.
La double matérialité laisse moins de place à l’appréciation subjective, puisqu’elle vous demande une cotation rigoureuse des sujets de durabilité sur des critères spécifiques (gravité, portée, probabilité, irrémédiabilité) qui doit s’appuyer sur des sources chiffrées. Ces sources peuvent être des KPI suivis en interne, des notes attribuées par des questionnaires de satisfaction, des estimations grâce à de la bibliographie ou des analyses prospectives…
Pour autant, cet exercice vous demande encore de dialoguer avec vos parties prenantes, mais d’une façon tout à fait différente. Plus question d’aller voir tous vos parties prenantes sur tous les sujets : dans la double matérialité, vous n’aurez à contacter que les parties prenantes directement concernées par les impacts, risques ou opportunités. Par exemple, vous pourrez dialoguer avec :
- vos salariés sur les sujets de développement des compétences ou d’équilibre vie pro-perso
- vos fournisseurs sur les sujets d’approvisionnement en matière première et de travailleurs sur la chaîne de valeur
- vos clients sur les sujets d’accessibilité de vos produits ou de santé…
Comment faire une analyse de double matérialité ?
Vous l’aurez compris, l’analyse de double matérialité n’est pas un exercice à prendre à la légère et qu’il faut réaliser sérieusement. Voici les étapes de la méthogologie préconisée par la CSRD.
Un univers d’étude adapté à votre contexte
Pour l’analyse de double matérialité, il faut commencer par trier quels sont les enjeux pertinents pour l’étude. Pour faire ça, vous devez définir un univers d’enjeux adaptés à votre contexte d’entreprise en répondant à quelques question : quel est mon secteur ? quelle est ma proposition de valeur ? quelle est mon organisation géographique ? quelle est ma chaîne de valeur ? qui sont mes parties prenantes ?
En dressant un portrait 360° de votre entreprise vous pourrez identifier les enjeux pertinents. Nourrissez l’exercice d’enjeux sourcés à différents endroits : liste des enjeux de la CSRD, benchmark sectoriel, rapports de risques mondiaux…
A la fin de cette étape vous aurez mis de côté les enjeux qui n’ont aucun rapport avec votre activité, et aurez identifié une base d’étude pour la suite de l’exercice.
Un dialogue qualitatif avec vos parties prenantes
Bien que la CSRD n’impose pas cette partie, il est fortement conseillé d’entammer un dialogue avec vos parties prenantes pour obtenir leur avis sur les enjeux identifiés.
Sur tous les enjeux que vous aurez identifié, il faudra comprendre quelles sont les parties prenantes directement concernées pour recueillir leur opinion sur le sujet. L’objectif de ce dialogue est d’obtenir une première estimation de la cotation des enjeux. Pour cela, vous pouvez demander à vos parties prenantes de valider ou d’invalider la façon dont vous les impactez ou dont elles génèrent un risque pour votre business. Vous pouvez ainsi obtenir une idée du nombre de personnes impactées, de l’importance de l’impact, de la probabilité d’occurence des risques…
Pour faire cela, nous vous conseillons de vous appuyer sur le dialogue pré-existant au sein de votre entreprise, comme les questionnaires satisfaction client ou les entretiens collaborateurs.
Une cotation rigoureuse des IRO
L’étape la plus exigente de l’exercice, c’est la cotation de enjeux. En effet, la CSRD demande de quantifier tous les IRO sur des critères de gravité, porté, irrémédiabilité et probabilité, et de pouvoir justifier la quantification grâce à des sources de données.
Pour chaque enjeu, vous devez donc définir les sources pouvant vous permettre de quantifier en brut chaque critère, puis associer une note (entre 1 et 5 par exemple) pour pouvoir comparer les enjeux les uns aux autres.
Une fois cette cotation réalisée, vous devez définir les seuils de matérialité spécifiques à votre entreprise, et ainsi obtenir la liste des enjeux matériels pour vous.
La matrice de matérialité - une représentation dépassée
La dernière étape de l’exercice est de représenter les résultats pour les rendre facilement intelligible aux parties prenantes qui y accèderont.
La représentation sous un format matriciel peut convenir, avec un axe Matérialité d’Impact et un axe Matérialité Financière, mais n’est pas forcément la meilleure représentation.
De nombreux formats existent - le format Cyclone, le format Table, le format Diagramme de Venn, présentant tous des avantages et des inconvénients (bonne représentation des deux matérialités, dinstinction entre les impacts, les risques et les opportunités, vision long terme…). A vous de choisir la meilleure représentation en fonction du type de communication que vous souhaitez réaliser ensuite.
Conclusion
In fine, la double matérialité est un concept novateur de la CSRD qui impose aux entreprises d’entammer une réflexion sur des sujets pertinents pour elles bien qu’elles ne souhaitaient a priori pas s’épancher dessus. Ce concept est associé à une méthologie spécifique pour assurer que l’exercice soit réalisé correctement. L’analyse de double matérialité est une opportunité pour les entreprises d’identifier leurs risques extra-financiers rigoureusement, et de prendre conscience de leur impact sur leur écosystème.
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FAQs
Trouvez les réponses aux questions courantes sur la CSRD et sur Kiosk
La CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive est la nouvelle directive européenne qui a pour but d'imposer et de mieux encadrer les rapports de durabilité des entreprises.
L’application de la Corporate Sustainability Reporting Directive est progressive. Voici un tableau récapitulatif.
Année d’entrée en vigueur | Entreprises impactées |
---|---|
2025 (sur l’exercice 2024) | Entreprises cotées de plus de 500 salariés |
2026 (sur l’exercice 2025) | Entreprises dépassant deux critères sur trois :
|
2027 (sur l’exercice 2026) | PME cotées en bourse |
2029 (sur l’exercice 2028) | Entreprises non européennes réalisant au moins 150M€ de CA sur le marché européen |
Vous souhaitez savoir à partir de quand votre entreprise est impactée ? Utilisez notre outil de veille réglementaire pour le découvrir.
Pour se mettre en conformité avec la directive CSRD, les étapes suivants sont recommandées :
- Réalisez les étapes préliminaires à la CSRD
Ces étapes vous permettront de comprendre quels sont les enjeux, impacts, risques et opportunités matériels pour votre entreprise. Elles vous permettront également de rédiger une feuille de route à partir de ce que vous avez déjà réalisé.
- Compilez vos données et produisez vos indicateurs
La centralisation des données de durabilité est essentielle pour votre mise en conformité. Notamment pour faciliter la compréhension et la cohérence lors de la production d’indicateurs quantitatifs.
- Produisez votre rapport détaillé au format XHTML avec des balises XBRL
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- Auditez vos données
Au terme de ces étapes, votre rapport de durabilité est prêt à être audité par un Organisme tiers indépendant (OTI).
Kiosk accompagne votre entrée en conformité tout au long de ce processus. Pour plus d’informations sur ces étapes, nous vous invitons à prendre contact avec notre équipe.
La mise en conformité CSRD requiert aux entreprises :
- la compréhension des 12 ESRS et 82 disclosure requirements
- la collecte de plus de 1 000 points de données
- le calcul de 50-147 indicateurs quantitatifs
- le balisage de 4 000 éléments dans le rapport final
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